Docteur Poupardin

Discours du docteur Poupardin au plateau des Glières le 16/05/10

Le docteur Poupardin (convoqué par la CPAM pour avoir prescrit pour ses patients en Affection de Longue Durée (ALD) des médicaments remboursés à 100%. C’est pour lui, une façon de s’opposer au morcellement comptable des malades et aux attaques qui sont faites à l’accessibilité aux soins par tous.

Bonjour, je suis médecin généraliste dans un quartier de la Ville de Vitry dans le Val-de-Marne et secrétaire de la Fédération du MRAP du Val de Marne. C’est à ce dernier titre que je me bats •pour la régularisation de tous les sans papiers, •pour leur liberté de circulation et d’installation qui serait enfin reconnue par des lois nouvelles et •pour le vote de lois instaurant une citoyenneté de résidence, dissociée de la nationalité, qui permette l’obtention de droits, sociaux civiques et politiques égaux pour tous. Un des éléments de ma résistance est de soigner du mieux que je peux les sans papiers. Et ce n’est pas facile de soigner des gens qui, hormis l’Aide Médicale d’Etat, accordée au compte-goutte après un parcours du combattant d’au minimum 3 mois pendant lesquels plein d’évènements médicaux peuvent arriver, n’ont aucun droit dans la société.Je vais parler maintenant des contre-réformes libérales qui ont eu lieu aussi dans le domaine de la médecine et de la santé. Les plus connues touchent évidemment l’hôpital public. Il s’agit pour le gouvernement de diminuer ce qu’ils appellent dans leur jargon économique libéral de diminuer l’offre de soins, c’est-à-dire les capacités du service public à faire face à la maladie. C’est l’un des moyens qu’ils ont trouvé pour diminuer les dépenses de santé. L’autre volet de cette contre-réforme hospitalière est l’exploitation renforcée du personnel hospitalier qui est maintenant contraint de travailler toujours plus à flux tendu pour rentabiliser, selon les techniques de management inspirées du privé, les frais de fonctionnement hospitalier.Mais je voudrais m’étendre plus aujourd’hui sur ce qui se passe pour la médecine de ville.Car malheureusement, on n’entend souvent dans les médias sur cette question que la voix de ceux qui ne s’intéressent qu’à la défense des tarifs des honoraires médicaux et qui avalent toutes les couleuvres d’une normalisation de la distribution des soins. En effet, l’objectif du gouvernement et de la direction actuelle de la CNAM et des CPAM est également de diminuer l’offre de soins accessible dans les quartiers populaires.Pour ce faire, ils activent un processus de dévalorisation de la médecine de quartier, de la médecine de proximité.►Dévalorisation pas seulement sur le plan des tarifs des honoraires médicaux. Ceux-ci sont bloqués depuis des années. Ce blocage n’a pas pour fonction une meilleure accessibilité de la population aux soins. En revanche, il constitue un appel d’air efficace pour que s’envole l’exercice de la médecine des dépassements, de la
2médecine des refus de soins aux personnes les plus déshéritées que sont les personnes se soignant avec la CMU ou l’Aide Médicale d’Etat.► mais aussi dévalorisation qui consiste à transformer l’exercice de la médecine dans trois directions :oPremière direction : les médecins-traitants actuels, seront demain investis d’un rôle de PILIERS de futurs « réseaux de soins ». Inutile de dire que ces réseaux de soins seront accessibles en fonction des ressources et des pathologies de chacun. Pour accéder à de tels réseaux, mieux vaut être riche et bien portant que pauvres et malades ! Tout le contraire des principes qui ont fondé la Sécurité Sociale.oDeuxième direction : on demande aussi aux médecins traitants d’accepter de devenir les ARTISANS INFORMATIQUE du fichage médical généralisé de la population au moyen d’un dossier médical personnalisé enregistré dans la carte vitale. Inutile de dire que ce fichage médical généralisé, s’il se met en place un jour représentera un danger énorme pour les libertés individuelles. Le but de ce fichage est de transformer les personnes malades qui sont confrontés à des difficultés (voire à une incapacité) pour produire, en personnes suspectes de commettre les pires abus et de choisir d’en vivre.oTroisième direction, l e s m é d e c i n s - t r a i t a n t s d e v r o n t s e p l i e r a u x « recommandations » thérapeutiques, actuellement promulguées par une « Haute Autorité de Santé » (actuellement nommée par la Présidence de la République). •Ces recommandations sont parfois des données scientifiques pourtant accessibles aux médecins par d’autres moyens de formation. •Parfois, elles ne sont que des lapalissades. •La plupart ont un caractère commun : elles aboutissent à des dé-remboursements de soins qui sont décrétés « d’efficacité insuffisamment justifiés », ou « de confort ». A quand viendront les recommandations en terme d’arrêts de travail minutés pour chaque pathologie ? Les médecins traitants pourront être rémunérés au mérite : des CAPI (Contrats d’Amélioration des Pratiques Individuelles) récompenseront les médecins obéissants. Au prix de la destruction de la relation de confiance nécessaire entre la personne malade et son médecin, avec toutes les perversions qui peuvent en découler. Le malade sera en droit de se demander si son médecin est là pour le soigner ou s’il est là pour soigner les objectifs économiques de la direction de la CPAM. Les conséquences de ces orientations actuellement en cours de réalisation sont de deux ordres :
3Le gouvernement et la direction de la CNAM et des CPAM rêvent de transformer les médecins-traitants en « ROBOTS TRAITANTS » pour accomplir sans rechigner toutes ces nouvelles fonctions.Les ordonnances bizones entrent dans ce cadre d’intimidation et de robotisation des médecins-traitants En effet, en permanence la place des médicaments d’une ordonnance bizone peut être contestée et tout médecin peut être interpellé en permanence par des « visiteurs médicaux » chargés, statistiques à l’appui (sur papier glacé), de faire pression sur le médecin indocile.Ce modelage, ce façonnage des médecins-traitants les décourage d’exercer leur métier de médecins pour lequel ils ont été formés et c’est entre autres ainsi que s’accroissent les déserts médicaux, pas seulement dans les zones rurales inaccessibles mais aussi maintenant en milieu urbain en particulier dans les quartiers populaires.L’AFFAIRE DES ORDONNANCES BIZONES QUI ME CONCERNE AUJOURD’HUI RENTRE DANS CE CADRE. Avant 1987, les malades porteurs d’une maladie grave prise en charge en ALD c’est-à-dire à 100% étaient soignés avec des petites ordonnances unizones sur lesquelles les médecins ou les soignants collaient l’étiquette de la personne malade. Tous les médicaments étaient remboursés à 100%. Il n’y avait jamais de conflit entre les Caisses et les médecins à ce sujet.En 1987, ont été introduites les ordonnances bizones qui découpent la personne malade en deux partie : une partie de leur corps est prise en charge à 100% (médicaments prescrits dans la partie haute de l’ordonnance) et l’autre partie (les prescriptions sont alors écrites dans la partie basse de l’ordonnance) à un taux différent (qui sera d’ailleurs probablement modulable au gré des objectifs à venir).Il est évident que ce découpage est un non sens éthique : les médecins sont tenus de soigner les personnes dans le respect de leur personnalité et de leur intégrité.A noter que l’Ordre des Médecins, censé veiller aux principes déontologiques, n’a pas émis la moindre opposition à l’établissement des ces ordonnances bizones.C’est aussi un non sens scientifique : les maladies et les traitements de la maladie à 100% ont évidemment des répercussions sur d’autres parties du corps et l’exercice de découpage comptable qui est exigé des médecins est impossible à effectuer sans risque d’un arbitraire complet. En outre, il n’a aucun intérêt pour améliorer la qualité des soins des personnes malades.La direction de la CPAM du Val de Marne s’est aperçu que depuis 1987, date où ont été établies ces ordonnances bizones pour les personnes à 100% je rédigeais mes ordonnances en inscrivant les médicaments des patients en ALD dans la partie haute des ordonnances. Pour des raisons éthiques et scientifiques mais aussi pour des raisons économiques d’accessibilité aux soins, puisque les médicaments inscrits dans la partie basse de l’ordonnancier sont de plus en plus délaissés par les personnes malades puisque sans mutuelles, elles deviennent inaccessibles.
4En 1999, soit 12 ans après, la direction de la CPAM du Val de Marne m’a demandé de m’expliquer et m’a menacé des pires foudres. Je me suis expliqué, soutenu par de nombreux collègues du département et par de nombreuses associations, syndicats et partis de gauche et je crois avoir à l’époque convaincu les médecins-conseils puisque j’ai pu continuer ce que je faisais depuis toujours et c’est seulement 10 ans après en juillet 1999 que l’actuelle direction de la CPAM repart à l’attaque du haut de ses nouvelles procédures répressives entre temps reforgées.Aujourd’hui, la direction de la CPAM évalue à 2600€ le préjudice que je lui aurais coûté en refusant les ordonnances bizones. Cette somme d’après elle correspond à ce qu’auraient dû payer les 50 personnes malades (ou leurs mutuelles s’ils en ont une) que j’ai soignées sur une période d’un an. En outre, j’ai comparu devant une « commission des pénalités de la CPAM 94 » au fonctionnement plutôt étrange et en tous les cas complètement opaque, qui propose au Directeur de la CPAM de me sanctionner d’une somme de 3000€ en plus des 2600€ précédents.Je refuse l’idée que j’ai commis le moindre préjudice à la Sécurité Sociale et je refuse en conséquence de payer cette somme dont le mode de calcul est complètement arbitraire et contestable.C’est ce que je dirai le 20 Mai lors de l’audience du Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale où je suis convoqué.Si je suis condamné, c’est un coin de plus qui sera enfoncé dans le processus d’intimidation des médecins et de la destruction de la médecine de quartier. La résistance actuelle à la contre réforme libérale du système de santé est légitime et nécessaire. Elle prend aujourd’hui des formes diverses selon les différentes parties de l’institution médicale. Elle est souvent le produit de combats antérieurs qui n’ont pas été menés ou qui ont été vaincus et qui laissent les professionnels dans un relatif isolement. L’important c’est que la résistance défende des valeurs universelles qui ne sont nullement des valeurs du passé mais au contraire celles de l’avenir. Ce sont les valeurs d’égalité, de solidarité. L’important c’est que la résistance ouvre l’espoir de mobilisations à venir pour que ces valeurs enfin prennent le pas sur les valeurs actuellement en vogue de marchandisation et de profit.
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