Après la conférence du 12 mars 2010 : analyse
Citoyens Résistants d’Hier et d’Aujourd’hui Après la conférence du 12 mars 2010
Dans la présentation de sa conférence Sophie Wahnich nous avait annoncé :
« La coupure entre l’histoire et le mythe repose sur cette quête de vérité et d’intelligibilité des actions des hommes. Lorsque cette quête est abandonnée au profit d’une nouvelle mythification du passé, lorsque la falsification vient brouiller l’intelligibilité des actions des hommes, lorsque les lignes de clivage
et de conflictualité entre les hommes sont volontairement brouillées, l’histoire n’est plus un savoir disponible pour étayer un désir de démocratie, mais une formation discursive inscrite du côté des démagogues. »
Elle l’a amplement prouvé, images à l’appui, notamment au travers de l’analyse critique de plusieurs établissements « mémoriels » récents : le mémorial de Caen, celui de Vassieux-en-Vercors, le « musée de la terreur » à Budapest et celui des « victimes du génocide » à Vilnius.
la maison de la terreur à Budapest [1]
Sophie Wahnich a pointé les différentes méthodes:falsification de documents, effacement oubli et amalgame de faits historiques, scénographie orientée par une idéologie. Cet éclairage nous permet de mieux cerner les enjeux de la démarche de « Citoyens Résistants d’Hier et d’Aujourd’hui ». Après réflexion et en appliquant les principes de l’analyse de Sophie Wanhich, nous pouvons y distinguer quatre phases :
1. Notre réaction à la visite du candidat Nicolas Sarkozy entre les deux tours des élections présidentielles de 2007, marquait notre indignation devant la tentative de « récupération » du symbole des Glières.
2. La réponse populaire à l’appel des trois résistants (Constant Paisant, Robert Lacroix et WalterBassan) – près de 1500 participants au rassemblement du 13 mai 2007 – nous fit préciser un constat essentiel. Celui de la contradiction fondamentale de la démarche du candidat devenu président qui, en « honorant » la Résistance, prône et met en application une accélération de la politique de démantèlement du programme du CNR. Nous avions déjà la perception de cette instrumentalisation de l’histoire des Glières, que nous avons clairement stigmatisée lors du rassemblement du 4 mai 2008.
3. L’indignation soulevée par l’attitude indigne du Président en visite au cimetière de Morette le 18 mars 2008 (voir le film de Gilles Perret : Walter, retour en résistanceWalter, retour en résistance)
nous fit ajouter à cette qualification un constat secondaire, mais probant, du manque de sincérité du premier
personnage de l’état, pour ne pas dire plus
4. Ce qui nous rendit très incrédule lorsque le Président, de retour au cimetière de Morette le 30 avril 2009, « a exalté l’exemple des maquisards de 1944 qui "se sont sacrifiés, se sont battus face aux nazis, dans le froid, avec beaucoup de courage". "C’est un exemple de don de soi", a-t-il
estimé. » (rapporté par le Figaro). Nous avions analysé cette déclaration comme une sorte de rectificatif, piloté par Henri Guaino, à son attitude en 2008 dans le même site (voir plus haut), et n’y avons pas accordé plus d’importance.
Le succès du rassemblement de 2009 nous fit seulement penser que les participants étaient encore sous le coup de l’indignation face à la récupération du symbole des Glières et à la colère devant le démantèlement du programme du CNR, et qu’ils restaient incrédules, eux aussi, face à cet « exaltation du sacrifice » des combattants des Glières.
Mais les interventions de Suzette Bloch et Sophie Wahnich m’amènent à revenir sur le terme sacrifice.
En travaillant sur l’histoire de l’éducation populaire, j’ai retrouvé un texte écrit en 1974 par un historien, professeur d’histoire contemporaine de l’Université d’Aix en Provence, José Baldizzone, sur les caractéristiques des mesures prises par le gouvernement de Vichy pendant la période de
collaboration :
« Le projet réactionnaire inculqué aux jeunes : Ce n’est plus la grande espérance dans le progrès général de la société qui est diffusée, mais, avec l’appui de nombreux intellectuels chrétiens, les thèmes du "rachat des fautes", de l’ "expiation purificatrice" pour les erreurs de la défunte république. La notion de "sacrifice" remplace l’engagement volontaire et conscient. »
C’est d’ailleurs de cette époque que date la récupération par l’extrême droite de l’image et du symbole de Jeanne d’Arc…
Et à propos de récupération, en ce qui concerne les Glières, c’est d’autant plus pervers qu’il n’est pas nouveau que l’interprétation de ce drame fasse l’objet de débats parfois vifs, que certains auteurs vont même jusqu’à parler de « mythologisation » et que les Glières ne sont pas toute la
résistance en Haute-Savoie…
Sans oublier qu’un des enjeux mémoriels du département est justement le musée de la résistance à Bonneville dont on peut craindre qu’il ne soit fermé encore longtemps : voir l’article paru dans le
Dauphiné du 7 mars 2010 – page de Bonneville.
Il y a fort à parier que cette apparente tergiversation sur sa réinstallation à l’initiative du Conseil Général cache de grandes manœuvres sur l’orientation de sa « scénographie »…
Pour conclure, il me paraît indispensable de rappeler une citation de Marc Bloch que j’avais déjà
utilisée :
« L’ignorance du passé ne se borne pas à nuire à la connaissance du présent ; elle compromet,dans le présent, l’action même »
Lorsque cette ignorance provient d’une action volontaire d’effacement, on comprend à qui profite le crime, et quel en est le mobile.
Rémy Pergoux
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